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Blogue du Mois de l’histoire des Noir.es

8 February 2024 - 8:07 pm / Nouvelles, Uncategorized

Dans le cadre du Mois de l’histoire des Noir.es, l’ACMFI présente le récit de Floriane Ethier, conseillère des données, Politiques et impact des données, Prêt pour Zéro Canada. 

Mise en garde : ce contenu vise un public averti et peut causer des réactions émotives fortes. 

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Pour moi, le Mois de l’Histoire des Noire.s et mon travail dans itinérance sont intimement liés à des expériences qui sont très personnelles et difficiles à partager. 
 

J’ai grandi dans le Sud des États-Unis, en Georgie et en Caroline du Nord, à une époque où les tensions raciales explosaient.  

En tant qu’étudiante à l’université en pré-médecine, j’ai rapidement compris que les inégalités sociales étaient systémiques. Je me suis dit que la meilleure manière que je voyais pour adresser ces inégalités et continuer à aller de l’avant c’était d’attaquer certains problèmes à leur origine, à leur source.   

Au même moment des manifestations monstres éclataient à Ferguson suite au meurtre de Mike Brown par un policier. Malgré des témoins qui ont vu Mike Brown tenir ses mains haut dans les airs et crier : “Ne tirez pas”, le policier a tiré dessus douze fois l’atteignant par balle six fois. Au final, le policier a été disculpé de toutes accusations menant à des manifestations enflammées à Ferguson et partout au pays.  

J’ai participé à ce mouvement de dénonciation et ce que je voyais sur les premières lignes des manifestations, c’est que, même s’il y avait toujours une barrière humaine pour protéger les personnes noires composée d’alliés et de personnes blanches, c’était toujours des personnes noires qui se faisaient brutaliser par les policiers, qui se faisaient arrêter et qui se faisaient poursuivre. Ça nous est arrivé quelques fois de se faire poursuivre et bousculer.  

Quand je dis “nous”, je parle de notre groupuscule que nous avions formé, moi et mon partenaire de tous les instants, Blake.   

Blake était mon partenaire, mon complice, nous étions ensemble pour tout. J’étais très impliquée dans le mouvement queer pour défendre les initiatives queer et les droits LGBTQ. Blake était un homme noir ouvertement trans et cela ne plaisait pas du tout à sa famille qui avait des valeurs plutôt traditionnelles. Il l’avait mis dehors et Blake se retrouvait à devoir vivre dans une grande précarité tout en affirmant son identité, cette situation mettait une pression inimaginable sur sa santé mentale.    

Malgré ça, je me souviens qu’il avait été le premier Homecoming King Transe de tout l’état de la Caroline du Nord. C’était une grande source de fierté pour Blake que de se faire reconnaître. Pour être nommé roi ou reine, un.e étudiant.e devait récolter le plus d’argent pour une charité, Blake avait récolté le plus d’argent pour Mothering Across Continents – un organisme qui bâtissait des écoles au Soudan.  

Blake pensait que personne ne devrait avoir peur d’être qui iels veulent être et tout le monde devrait avoir le même droit à une expérience agréable à l’école secondaire.  

Mais les choses se sont gâtées à l’université lorsqu’il était en situation d’itinérance invisible, passant d’un fauteuil d’ami à un autre. Malheureusement ce genre de scénario n’avait rien d’extraordinaire à l’époque, plusieurs de mes ami.es queer vivaient des situations similaires. On faisait beaucoup de couch surfing et de partage de ressources parce que les gens se faisaient mettre dehors. Cela avait un impact énorme sur nos santés mentales.  

Tristement, le jour est venu où Blake a mis fin à sa vie.  

C’est fou, c’est lourd. Le stress quotidien, le traumatisme de chaque jour c’était la réalité pour beaucoup de personnes de mon réseau à cette époque. Et en plus d’être en situation d’itinérance, Blake n’était plus à l’université pour des raisons liées à la santé mentale et donc il n’avait plus accès aux ressources de l’université.  

Dans son testament, Blake me nommait exécutrice et désirait que ses funérailles soit célébrés sous son nom. Mais ses parents refusaient et désiraient plutôt que les funérailles soient au nom qu’ils avaient donné à leur enfant à la naissance. Mes parents sont intervenus dans la situation en me donnant un ultimatum, soit je me pliais à la volonté des parents de Blake, soit je quittais la maison, ce que j’ai fait.  

En partie pour faire le deuil de tout ça et pour partir à zéro, j’ai déménagé au Québec où j’ai continué mes études et je me suis isolé quelque temps dans les bois. Par la suite, j’ai rejoins l’équipe de la Mission Old Brewery en tant qu’agente d’assurance de la qualité des données.  

Ce qui est fou c’est que je ne réalisais même pas que j’étais moi-même en situation d’itinérance en Caroline du Nord jusqu’à temps que je travaille à la Mission Old Brewery.  

Aujourd’hui je travaille avec la fabuleuse équipe de l’Alliance canadienne pour mettre fin à l’itinérance dans leur programme Prêt pour zéro qui vise à réduire et éliminer l’itinérance systémique. Ma vie personnelle et mon travail se croisent sans cesse dans un long parcours où mon engagement pour dénoncer les injustices et le bien-être des gens autour de moi est au cœur de toutes mes actions. Avec mes amies, mon partenaire et mes collègues, je bâti peu à peu un monde à mon image.  

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Vous éprouvez des difficultés de santé mentale ou autres ? Il y a toujours de l’aide disponible, ne restez pas seul.es : 

Aide aux trans du Québec

Ressources en santé mentale